mardi 8 décembre 2015

Chrysalide d' Ivan Kwiatkowski


Résumé

Une jeune fille est laissée pour morte dans un terrain vague, où un artiste peintre la recueille. Elle est étouffée par la rancœur et il suffoque sous le dôme de verre qui protège la ville. Au milieu des chrysalides, fleurs au parfum mortel, ils devront se reconstruire... ou se détruire.

Mon avis

Je continue ma découverte de la collection e-court chez les éditions Voy’el avec la nouvelle Chysalide d’Yvan Kwiatkowski. Le résumé m’a tout de suite interpellée et je me suis demandé comment l’auteur allait mener son récit. Je ressors de ma lecture touchée par un texte aussi beau et cruel que le sont les Chrysalides,  fleurs dont il porte le titre. 

Chrysalide raconte l’histoire de deux personnes : elle, qu’il retrouve nue dans un terrain vague et lui, le peintre qui la recueille.

Elle, Christelle, dont on ne connait le prénom que tardivement, refuse en  bloc ce qu’elle a subi sur ce terrain boueux, où le peintre la retrouve. Si elle l’évoque, c’est sans mettre de mots dessus. Elle garde la souillure de ce moment en elle et la transforme en noirceur. Cette noirceur va servir de base à sa reconstruction et lui fournit un combustible, une énergie qui lui permet d‘avancer. 
Sa rencontre avec le peintre semble marquer le moment de sa renaissance, même si elle ne peut oublier l‘humiliation et la souffrance de son ancien moi. 
La souillure, cette noirceur qu’elle porte en elle, réclame son dû et prend bien des aspects: d’abord frustration, rejet, caprice et froideur, puis se transforme en haine et  violence.

De son côté, celui qui se fait appeler simplement « Peintre », comme s’il tenait à son anonymat, à son insignifiance, la trouve, l’accueille et conscient de son impuissance, accepte ses comportements excessifs et ses débordements de plus en plus violents. 
La seule chose qu’il puisse lui offrir, ce sont les moments magiques passés dans le pré de Chrysalides, fleurs à la beauté vénéneuse. Splendides et pures, elles semblent chanter dans le vent, mais sont fatales si on s’approche de trop près. Christelle se ressource dans ce champs, appelé « le poumon » car il approvisionne la ville en oxygène, se l’approprie et reprend ainsi le contrôle de sa vie, ou plutôt se laisse contrôler par sa haine. 
Une étrange relation de dominant-dominé s’installe alors entre elle et Peintre.

Peintre, même s’il se livre à Christelle, persiste à conserver son jardin-secret, dans son atelier, comme s’il y sauvegardait son essence, son intégrité. Son art est à son image. Il lui apporte le moyen de lutter contre ses propres démons, et contre l’oppression du dôme qui protège la ville, le fascine et l'étouffe.

La ville prend une importance particulière aux yeux des deux personnages et dans l'intrigue, en s’appuyant sur des lieux précis. On connaît d’elle le dôme qui l’entoure et la protège, protecteur, mais aussi prison au yeux du peintre. Cependant les lieux essentiels restent en nombre réduit : le terrain vague et le pré de chrysalides qui s'opposent, la maison du peintre et plus particulièrement son atelier.
Ses lieux possèdent un aspect symbolique fort. L’auteur maîtrise particulièrement bien ces symboles qu’il lie à la caractérisation des personnages et au déroulement de l’intrigue et en use avec une certaine ironie.

Le style de l’auteur entraîne le lecteur dans un écrit fluide et poétique, cohérent avec l'histoire évoquée. Il décrit avec précision les lieux, les émotions des personnages. Il nous transporte sur place par ses mots, car on visualise parfaitement les scènes. 
Il choisit de parler de Christelle à la troisième personne et instaure ainsi une certaine distance, qui nous permet d’assister à sa déchéance. 
Par contre, il utilise la première personne pour Peintre, auquel on s’attache, malgré sa répugnance à parler de lui-même, sa timidité, sa discrétion, son manque de considération pour sa propre personne. Ses sentiments pour Christelle se lisent certes dans ses mots, mais principalement dans ses actes, ou plutôt son manque de réaction.
L’écriture et l’intrigue s’accordent à merveille, dans une douceur amère, une mélodie mélancolique, très agréable à la lecture.

En conclusion, ce récit à la fois beau, cruel et désabusé offre une merveilleuse balade parmi les chrysalides. Merci aux éditions Voy’el pour cette très belle découverte.


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