samedi 13 juin 2015

Let the Sky Fall, de Shannon Messenger



résumé

Vane Weston n’a aucun souvenir de l’ouragan qui a coûté la vie à ses parents quand il était enfant. Il a oublié tout ce qui a précédé ce drame, jusqu’aux moindres détails de sa vie. Son seul souvenir, c’est celui du visage d’une jeune fille, qui lui rend d’ailleurs visite régulièrement en rêve. Le mystère de son identité le ronge depuis dix longues années, quand l’inconnue est enfin forcée de se démasquer : Audra est une sylphe, une créature onirique liée au vent. Elle avait pour mission de veiller sur lui, mais elle vient de commettre une terrible erreur. Désormais, c’est le destin funeste qui a frappé ses parents qui attend Vane… À moins d’un miracle ! Combattante aguerrie, Audra va puiser dans leur histoire personnelle commune des trésors de courage et d’ingéniosité pour tenter de renverser le destin…

Shannon Messenger fait une nouvelle fois la preuve de son immense créativité en tissant pour ses personnages capables de dompter le vent tout un univers inconnu des humains, avec ses rites, sa hiérarchie


Mon avis

(avertissement: analyse que j'ai voulu complète tant le livre est riche et intéressant, donc quelques spoilers possibles)

Shannon Messenger, auteure de la trilogie « Let the sky fall » a aussi à son actif la série «  Gardien des cités perdues », publiée également par les éditions Lumen et critiquée sur le forum « Au cœur de l’imaginarium » dans le cadre d’un partenariat. 

Dans ce premier tome, on découvre Vane, un adolescent à la vie banale, dont la seule particularité se résume à un passé de rescapé. Il a en effet survécu à une tornade, mais y a malheureusement perdu ses parents. Il ne garde aucun souvenir de sa famille et de sa vie d’avant, si ce n’est le visage d’une fillette qui le hante depuis tout ce temps.
En adolescent épanoui, Vane s’adonne aux jeux vidéo, sort avec ses copains. Bref, rien d’extraordinaire. Son seul problème, ce sont les filles. Impossible d’échanger ne serait-ce qu’un baiser avec les jeunes filles qui lui plaisent. Il faut toujours qu’un imprévu vienne gâcher toute tentative. Ces mésaventures prêtent d’ailleurs à sourire. La dernière, à laquelle nous assistons à la lecture du roman, se finit aussi lamentablement que les précédentes, quand un vent glacial le pousse hors d’atteinte des lèvres de sa dulcinée. Cet incident techniquement impossible, puisqu’il n’y avait aucune miette de vent ce soir là, vient bousculer ses habitudes et provoquera de nombreuses conséquences, introduisant dans sa vie Audra, la mystérieuse jeune fille dont le visage a si souvent habité ses rêves, mais aussi une menace qu’il n’est pas préparé à affronter. La jeune femme prétend être, tout comme lui, une sylphe, élémentaire du vent ou tout simplement « maître du vent ».
Des vents magiques et un ange gardien, sylphe et maîtresse du vent. C’en est trop pour Vane, qui lutte pour rester ancré à la réalité, en rejetant les propos farfelus de la jeune fille. 
Sa réaction semble légitime et crédible. Les personnages se posent sur de bonnes bases en ce début de roman et ne manquent pas de profondeur. 
Audra doit quant à elle accomplir sa mission de gardienne en protégeant Vane et en provoquant son éveil aux vents. Il s’agit de développer ses pouvoirs, afin de lui faire endosser ses responsabilités. Dernier sylphe de l’ouest (ceux-ci ont été massacrés, car ils refusaient de dévoiler leur langage du vent à Raiden leur ennemi), il possède un rôle à double tranchant face à un enjeu de taille. Soit, il se fait capturer pour dévoiler le langage du vent de l’ouest à Raiden, qui souhaite maîtriser les quatre vents et devenir invincible et tout-puissant. Soit, il s’éveille aux quatre vents, en apprenant les trois maîtrisés par Audra, ceux ci s’ajoutant au sien, afin de cumuler une puissance suffisante pour se mesurer à l’ennemi. Pourtant, un problème réduit vite ses espoirs à néant, puisque ses parents ne lui ont pas appris le langage du vent. Audra n’a donc pas d’autre choix que de l’entraîner pour le combat à venir et d’envisager son propre sacrifice pour le remporter. 

Dans le roman, la magie du vent apparaît multiple et subtile. Son contrôle implique de délaisser ce qui rattache le sylphe à la terre (eau et nourriture) et qui l’affaiblit. Un gardien ou un bon combattant se passe de ces plaisirs terrestres, sous peine de devoir sacrifier leurs particules terrestres en se libérant de ces attaches, lors de leur communion avec le vent. Seuls restent alors des lambeaux d’âme, qui ainsi libérés, se mêlent aux vents.
L’auteure aborde donc une utilisation et une étude approfondie du vent sous ses différentes facettes, explore ses possibilités (vent associé à une musique, permettant de communiquer, agissant sur les humeurs, permettant de voler ou de créer des armes). Il ne s’agit pas réellement de magie, comme pourraient le penser les humains, mais d’une union avec le vent, une complicité telle qu’elle permet de le façonner à volonté.
Le style imagé de Shannon Messenger, qui s’adapte aux caprices du vent, ainsi que les descriptions bien décrites et approfondies traduisent parfaitement les phénomènes, émotions et sensations liés aux vents. La terminologie adoptée, les métaphores, et le champs lexical, bien développés, se sont avérés très intéressants et agréable à la lecture.
Les possibilités liées au vent sont clairement énoncées (l’auteure les évoque avec franchise sans sur-jouer du mystère et d'une magie réservée aux initiés), cohérentes et intégrées dans le récit sans l’alourdir.
L’auteure pense également à contrebalancer ce pouvoir en lui attribuant un revers de médaille: se sacrifier une fois que l’on s’est affaibli (en prenant une forme éthérée) en est un aspect, mais il peut aussi s’avérer dangereux de céder à l’appel du vent (l’esprit quitte le corps, séduit par cet appel et s’y noie).

L’univers évoqué semble tout aussi riche avec des personnages aux rôles simples, bien déterminés et précis : les veilleurs et gardiens, les foudroyeurs au service de Raiden, leurs ennemis. 
Le lien entre les deux personnages principaux, Vane et Audra s’instaure rapidement de par les événements passés (la tempête qui a coûté la vie à leurs parents), et leurs répercussions sur leur vie. 
Pour Vane, cela s’est traduit par une adoption heureuse et une nouvelle famille aimante. Pourtant la menace liée à ses origines le rattrape. Son obsession pour Audra explique son envie de s’approcher d’elle et de pouvoir la protéger. Il se révèle un élève difficile à entraîner, surtout qu’il doit composer avec une mère hyper protectrice et trouver des excuses pour ses absences prolongées,ou pour la fatigue intense ressentie après chacun d’entre eux. Pas facile pour Vane de lier un quotidien ordinaire à ses nouvelles fonctions de Maître du vent. Il fait pourtant de fulgurants progrès et arrive à impressionner Audra
Audra, quant à elle doit faire face à sa culpabilité permanente (elle se pense responsable de la mort des parents de Vane et de son père), son sacrifice et dévouement pas toujours faciles à assumer, sa solitude et sa relation difficile avec sa mère. Celle-ci, doté d’un égoïsme à toute épreuve, lui reproche la mort de son père et ne lui accorde ni affection, ni confiance. La détermination d’Audra, sa volonté de se racheter et de se plier aux dernières volontés de son père, qui s’est sacrifié pour sauver la vie de Vane, font d’elle une excellente gardienne, intelligente et dévouée. Malgré sa détermination et sa froideur, on sent chez elle une fragilité latente, une douceur et une mélancolie qu’elle cache au fond d’elle-même, les considérant sans doute comme une faiblesse (par exemple quand elle écoute le chant du vent ou tisse une ronde de berceuses pour aider Vane à s’endormir) : elle n’est pas du genre à se laisser aller et à se livrer.
Ce sont donc des personnages attachants, cohérents et nuancés.
J’ai tout de même noté un petit manque de subtilité en ce qui concerne Vane qui attribue vite ses déconvenues amoureuses à sa mystérieuse inconnue, alors qu’il ne connaît pas encore Audra et ses capacités (au tout début du récit). Cette « hyper lucidité » m’a laissée perplexe et légèrement sceptique. Mais l’auteure se rattrape heureusement fort bien ensuite. 
Les objectifs des personnages et leur évolution, bien développés, leur confèrent de la crédibilité. La cohérence de leur passé, de leurs attentes et de leurs fantômes intérieurs jouent un rôle indéniable sur l’intrigue.

L’ennemi, en la personne de Raiden, qui ne sera qu’évoqué dans ce premier tome, et la menace de ses foudroyeurs reste réelle et nullement pris à la légère. Ils se montrent puissants, ignobles et impitoyables envers leurs victimes. Raiden, en tyran digne de ce nom, ne fait pas les choses à moitié et ne recule devant rien pour parvenir à ses fins !
Cette force puissante, presque inébranlable de l’ennemi, rend la tension palpable et oppressante. La pression et les enjeux (la vie d’Audra entre autre) n’en sont que d’autant plus grands.

La relation entre Vane et Audra reste toujours plus ou moins tendue. Leur amour naissant n’arrive pas du jour au lendemain, mais se construit au fil du roman et semble plutôt inévitable : après tout, elle veille sur Vane depuis longtemps et elle est son obsession depuis toujours. Pourtant, Vane est promis à la future reine et Audra ne veut pas remettre en cause sa destinée et son serment de gardienne. Le garçon prend mal son rejet et s’emballe encore plus quand il apprend qu’il est fiancé. Entre douleur et colère, il multiplie les bêtises et donne bien du fil à retordre à la pauvre Audra.
Le lien d’union entre deux sylphes qui s’embrassent semble un peu poussé et le filon usé à l’extrême. Pourtant, ce même lien s’exprime ensuite de manière intéressante entre les deux personnages. 

Le style entraînant du roman, et le plume fluide de l'auteure deviennent vite agréables et confortables pour le lecteur. Shannon Messengerpropose une narration équilibrée et immersive, avec des descriptions et dialogues naturels. Le récit mené avec une alternance des deux points de vue d’Audra et de Vane permet d’explorer leurs sentiments et émotions, de se sentir proche d’eux. L’auteure fait preuve de justesse dans le ton employé, que ce soit pour le personnage féminin ou masculin, pour la sylphe déjà initiée ou pour l'ancien humain qui enchaîne les découvertes.
Pourtant, le lecteur est amené à se poser des questions. L’auteure, soucieuse de garder de la cohérence dans son récit, y répond, parfois un peu tardivement, laissant le doute s’installer dans la tête du lecteur. Même si l’ensemble reste très cohérent, certains points manquent un peu de naturel. C’est le cas par exemple pour l’histoire de la mémoire effacée de Vane ( pour éviter que Raiden ne le retrouve), mais qui conserve la même identité, le nom de ses parents. Avec les articles de journaux couvrant l’affaire du rescapé, Raiden aurait pu voir qu’il en avait réchappé et le retrouver facilement. Quand Vane s’en inquiète (à l’instar du lecteur qui s’en aperçoit bien avant lui), Audra répond simplement et évasivement que Raiden avait eu « vent » de la mort de ses parents et qu’un vent trompeur lui avait rapporté la sienne également. Un peu léger, tout de même. Dommage, il aurait peut être suffi de lui faire prendre le nom de ses parents adoptifs et de prétexter la protection de l’identité et de l’image d’un mineur vis-à-vis des journaux, pour le cacher définitivement aux yeux de Raiden.

En conclusion, Let the sky fall est un roman poignant, proposant un univers riche, des personnages attachants et bien développés, et que j’ai lu avec grand plaisir malgré quelques points qui m’ont chiffonnée. J’attends la suite avec impatience et remercie le forum « Au cœur de l’imaginarium » et les éditions Lumen pour cette très belle découverte.

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