dimanche 18 janvier 2015

De mémoire d'homme d'Elodie Philippe


Résumé
Et si l'humanité prenait un nouveau départ ?

Au large de l’Antarctique, les remorqueurs ont fini de préparer l’iceberg qui partira bientôt pourvoir en eau douce le continent africain. Dans la base Georges Mougin, sur la côte, Anton et Phœbus supervisent leur retour au port lorsqu’une proche colonie de milliers de manchots disparaît subitement.

Dans la double pyramide, la petite San ne supporte pas les implants télesthésiques qui lui permettraient de rejoindre l’unité spirituelle formée par les habitants de la cité. Jud, le chirurgien, s’apprête à inciser les tempes du nourrisson pour les extraire.

Inspirée par les œuvres philosophiques de Platon autant que par les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, découvrez l’anticipation qui vous fera appréhender notre existence autrement.


Mon avis:

La très belle couverture du roman reste sobre et interpelle le lecteur, attire l’œil et intrigue.

De mémoire d'homme s'organise sous la forme de deux histoires parallèles, sans attaches au premier abord, mais qui se rejoignent finalement très tardivement. D'un côté, nous retrouvons Anthon et Phoebus techniciens d'une base d'extraction d'un iceberg, de l'autre Jud le médecin, San une fillette marquée par son handicap et sa différence (elle rejette les implants qui lui permettraient la communication par télépathie, mise en place dans leur cité), et les anges qu'ils vénèrent.
Dans « De mémoire d'homme », il ne faut pas s'attendre à une SF pure, mais à un récit SF empreint de philosophie, de mysticisme et d'une touche fantastique.

L'entrée dans le roman fut difficile et déstabilisante. La double intrigue mise en place rend le lecteur un peu confus. Les technologies présentées manquent d'originalité. On constate également une maladresse dans la narration des premiers chapitres qui privilégie les descriptions de la base, du matériel, ou des personnages, sans qu'il n'y ait la moindre action. Ce départ mal engagé peut amener des craintes pour la suite, pourtant il serait dommage de bloquer sur ce début maladroit, car l'histoire se met ensuite en place et devient plus intéressante. L'auteur arrive à accrocher le lecteur par une plume agréable et une narration devenue plus fluide.
J'ai regretté tout de même un rythme saccadé : chapitres très courts, parfois inconfortables à la lecture, ce qui peut freiner l'avancée dans l'histoire. Toutefois, l’alternance entre les deux intrigues ne m'a pas dérangée, même si le lien entre les deux reste imperceptible jusqu’à la fin. Heureusement, l 'écriture simple et dynamique l'emporte facilement. Les descriptions sont également maîtrisées et les dialogues naturels, mais les personnages manquent un peu de profondeur dans la perception de leurs émotions.

Le monde d'Anthon et Phoebus semble copié sur le notre avec quelques changements peu marquants, il en est de même pour les technologies évoquées. Seuls quelques détails dans les dénominations techniques tentent d'apporter un semblant d'évolution. Porté par le récit, le lecteur peut toutefois passer outre, et prendre le parti d'y croire.
En effet, le point essentiel du récit ne réside pas dans les technologies abordées, mais dans la réflexion sur le renouvellement des civilisations, basée sur le « vivre ensemble » (voire survivre), mais aussi sur la communication et la compréhension au sein de celles ci. Jud va s'adapter à une civilisation différente de la sienne, tandis que San tente de s'adapter à celle qui la rejette, la transforme, lutte pour son évolution.
La communication s'inscrit vraiment au cœur de l'intrigue à travers divers points et problématiques posés : discussion sur le « savoir écrire » qui s'est perdu dans le monde d'Anthon et Phoebus, utilisation du morse comme solution en situation de crise, les implants qui permettent la télépathie dans la cité et le rejet de la petite San, alors que son handicap lui permet de contourner cette forme de communication imposée à ses habitants. En effet, son impossibilité de s'exprimer cause des expériences parfois difficiles provoquant l'incompréhension, la frustration et la colère, mais lui permet pourtant de s'approprier et développer le langage parlé, l'expression par l'art, sachant que la télépathie a bloqué ces possibilités chez les autres membres de la cité ( ils ne ressentent pas ce besoin). Dans la cité de Jud et San, la parole considérée comme avilissante devient pourtant pour eux synonyme de liberté, (puisque la télépathie permet avant tout la surveillance par les anges: chaque pensée est perçue, modulée si besoin par la foi). La télépathie freine également l'intensité des sentiments. En ce sens, l'auteur fait une exploration juste et efficace de la télépathie en tant que moyen de communication ainsi que la perte qu'elle entraîne de ce qui caractérise l'homme : la création.
Le culte propre à chaque civilisation prend également une place importante dans le récit. Il forge la culture, encourage la peur des autres en vue de le leurs différences et leurs croyances souvent non comprises.

L'univers riche, bien maîtrisé et la réflexion pertinente sur la communication prennent pourtant le dessus sur l'intrigue, qui s'en trouve appauvrie et c'est dommage, car le tout reste cohérent et intéressant.

La fin réserve son lot de surprises : on comprend mieux le cheminement de l'auteur, le lien entre les deux histoires et le choix de leur narration alternée, mais on retrouve aussi d'autres révélations surprenantes.

En conclusion : malgré un début difficile, la lecture de « De mémoire d'homme » fut à la fois surprenante et agréable. Je l'ai donc apprécié et remercie le  forum « Au cœur de l'Imaginarium » et les éditions « Kitsunegari ».

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